mercredi 9 mars 2016

La preuve, ce qui va changer (IV): Actes authentiques et actes sous seing privé

Poursuivons notre étude de la réforme du droit de la preuve par cet article consacré aux actes authentiques et actes sous seing privés.

Rappelons tout d’abord pour mémoire qu’il existe traditionnellement 2 types d’actes en droit français: l’acte authentique, ainsi dénommé parce que rédigé par un fonctionnaire ou un officier ministériel, et les actes sous seing privé, établis par les parties elles-mêmes ou leur mandataire.

Traditionnellement car nous le verrons, la réforme introduit un troisième type d’acte dans le Code Civil, l’acte d’avocat.

1/ L’acte authentique

Sur ce plan, pas de différences (hormis dans la numérotation bien sûr) avec la législation antérieure ; le principe à retenir étant que l’acte fait foi jusqu’à inscription en faux.

Par ailleurs, est reprise l’innovation consistant en la reconnaissance de l’acte authentique électronique.

Est également rappelé qu’à défaut de valoir acte authentique (du fait d’une incompétence ou d’une incapacité de l’officier l’ayant dressé, l’acte sera considéré comme un acte sous seing privé.

2/ L’acte sous seing privé

Là aussi, la Législation reste classique, en reprenant les dispositions antérieures ; rappelons les grands principes en matière d’acte sous seing privé :

-          Il fait foi entre ceux qui l’ont conclu, sauf désaveu d’écriture ou de signature ; on procède alors à une vérification en ce sens.

-          En cas de contrat synallagmatique (mettant des obligations à la charge des différentes parties, comme dans le contrat de vente par ex.), il y a autant d’exemplaires originaux que de parties et le nombre d’originaux est mentionné dans l’acte ; à défaut, il ne vaut pas preuve.

-          Lorsqu’il comporte l’obligation de payer une somme ou de livrer un bien fongible (= une quantité, par exemple de blé, de carburants), il ne vaut preuve que si la somme ou la quantité est mentionnée en chiffres ET en lettres ; en cas de différences entre les mentions, c’est la mention écrite qui vaut preuve.

Deux innovations peuvent relevées :

-          D’une part, l’obligation sur les originaux en cas de contrat synallagmatique disparaît si l’unique exemplaire original est remis à un tiers


-          L’acte d’avocat, mentionné un peu plus tôt : il est intégré dans la partie consacrée à l’acte sous seing privé, mais se situe clairement à mi-chemin entre ce dernier et l’écrit authentique en fait de preuves ; en effet, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties, et ce jusqu’à éventuelle procédure d’inscription en faux ; à noter que l’acte d’avocat existait depuis 2011, mais que son inscription dans le Code Civil devrait lui donner une visibilité, et donc une utilisation, plus conséquente; ici, on offre la possibilité de se constituer une preuve difficilement contestable (hormis le faux), pour un prix théoriquement inférieur à l'acte authentique (puisque l'honoraire négocié avec l'avocat est libre et que la concurrence peut en conséquence jouer). 

lundi 7 mars 2016

16 Milliards pour les PME

Ce n'est pas une annonce gouvernementale visant à aider les entreprises, mais le chiffre donnée par l'observatoire des délais de paiement dans son rapport 2015 (en intégralité ici).

16 Milliards, c'est donc le montant total de Trésorerie dont se trouvent privées les PME françaises, du fait des retards de paiement.

Statistiquement, ces retards sont plus souvent le fait de sociétés importantes et on retrouve cette caractéristique à l'identique pour les grands retards (+ de 2 mois); la version réactualisée du pot de fer contre pot de terre appliquée à la relation entre grands groupes et entreprises plus modestes.

Multipliant les initiatives pour lutter contre ces retards de la part des grandes structures, le gouvernement a récemment publié la liste des grandes entreprises abusant le plus des délais de règlement selon le principe anglais du "name and shame"; il espère ainsi amener lesdites entreprises à des comportements plus conformes aux principes édictés dans la LME.

A noter que l'Administration et les entreprises publiques voient également leurs pratiques de règlement dénoncées dans le rapport.

Conséquence évidente de ces 16 Milliards de Trésorerie dont on assèche les PME: un effet domino, qui fait que quand une entreprise est payée en retard, elle aura tendance elle-même à payer avec retard.

Au delà, c'est tout le tissu économique qui est menacé par cet effet systémique quant une entreprise fait défaut et dépose le bilan.

La boucle est bouclée quand on constatera à la lecture du rapport qu'un client qui vous paye avec retard (+ de 15 jours) a un risque de défaillance plus élevé.


Il s'agit d'un indicateur fort qui doit vous alerter et vous faire prendre des mesures fortes, tant sur la prévention que sur le recouvrement.

Parmi ces actions, on peut citer:

- La sécurisation juridique de votre cycle commercial
- Le questionnement autour de votre organisation pour lutter contre ces retards clients à la fois en interne (quelle organisation, quelles formations pour quel objectif ?) et en externe (quels prestataires et dans quelles conditions ?)
- La mise en oeuvre de scénarios recouvrement dépendant du profil client ou profil payeur

Autant de sujet sur lequel je peux vous accompagner.



vendredi 4 mars 2016

La preuve, ce qui va changer (III): principes généraux quant à la valeur de l'écrit

3e partie de cette étude consacrée à la réforme du 10 février 2016, intéressons-nous à la preuve par écrit.

Le premier article consacré à cette preuve (1363) est classique : il est édicté que nul ne peut se constituer de titre à soi-même.

Application pratique en recouvrement : ni le principe, ni le montant d’une dette ne peuvent être déduits uniquement de documents émanant du créancier, qu’il s’agisse de mise en demeure, de factures, de relevé comptable,…

Il s’agit donc là d’un article classique mais qui, contrairement à ce qu’on peut penser, n’existait pas dans le Code Civil jusqu’ici ; il avait en effet été dégagé et appliqué par une Jurisprudence constante et ancienne.

Ce principe est donc logiquement consacré par le rédacteur.

Viennent ensuite les articles 1365 à 1368, qui reprennent des dispositions déjà présentes antérieurement dans le Code Civil.

Résumons les rapidement : l’écrit est défini par une suite de symboles, lettres, chiffres…quel que soit le support sur lequel ils sont apposés ; cela couvre donc le support électronique, qui a une valeur équivalente au papier, sous 2 conditions :

-          Son auteur doit pouvoir être identifié
-          Son intégralité doit être garantie

L’écrit est parfait par la signature de son auteur et c’est, le cas échéant,  la signature de l’officier public qui lui donne son caractère authentique.

Dans le cas d’un acte électronique, la signature doit consister en un procédé d’identification fiable.

Une présomption simple (cf. article précédent ici) existe quant à la fiabilité de ce procédé dès lors que la signature est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégralité du document garanti.

Enfin, cette partie sur les principes généraux liés à la preuve par écrit s’achève en évoquant les conflits entre écrits : il est laissé au juge le soin de trancher entre 2 écrits qui lui seraient soumis (sous entendus contradictoires), en arbitrant en faveur du plus vraisemblable.


Une fois ces principes énoncés, le rédacteur va s’intéresser aux 2 catégories d’écrits : l’acte authentique et l’acte sous seing privé.

jeudi 3 mars 2016

La preuve, ce qui va changer (II): Grands principes et Admissibilité

Deuxième article de cette série sur la réforme du Droit de la preuve.

Nous nous intéressons aux dispositions posant les grands principes régissant la preuve et son admissibilité.

1/ Un article classique et un principe réaffirmé, mais renuméroté

Chronologiquement, le premier article concernant la preuve nouvelle version sera le 1353 du Code Civil ; il est identique au futur ancien 1315 du Code Civil et prévoit :
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
La base du droit de la preuve est donc inchangée et est réaffirmée.

2/ 3 types de présomptions

Dès l’article suivant (1354 donc), le rédacteur de l’ordonnance  du  10 février 2016 va  clarifier le domaine de la présomption.

Passant d’une conception binaire présomption légale/non légale définie jusqu’alors, il distingue désormais :

-          La présomption simple : qui peut être combattue par tout moyen
-          La présomption mixte : qui peut être contestée par un nombre limité de moyens
-          La présomption irréfragable qui, comme son nom l’indique, ne peut être renversée

3/ La possibilité de contrats sur la preuve (1356 du Code Civil)

Passé un article définissant l’autorité de force jugée (1355), le rédacteur de l’ordonnance va autoriser les contrats sur la preuve, en les limitant.

Ils ne peuvent ainsi pas aller à l’encontre de présomptions irréfragables ou en établir contractuellement.

4/ Admissibilité de la preuve :

Est tout d’abord affirmé que la preuve peut être apportée par tout moyen…
…sauf quand la Loi en dispose autrement (1358 nouveau).

Et le rédacteur, dans les articles suivants, de citer des exceptions :

-          Les actes dépassant un certains montants, doivent être prouvés par écrit
-          L’acte authentique ou sous seing privé, qui ne peut être combattu que par un autre acte de même nature, quel que soit le montant concerné dans l’acte

Par exception à ces 2 derniers cas, la preuve peut être faite par tout moyen en cas de perte par force majeure, en cas d’impossibilité morale ou matérielle d’établir un tel écrit, ou si tel est l’usage en la matière.

Enfin, après l’avoir admis en remplacement d’un écrit, mais corroboré par un autre moyen de preuve, le rédacteur va définir le commencement de preuve.

Il va le faire en dégageant 2 caractéristiques du commencement de preuve :

-          Il doit émaner de celui qui conteste ou de son représentant ; à noter qu’il peut être explicite ou implicite, les dispositions nouvelles citant notamment le refus de répondre ou le défaut de comparution comme commencement
-          Il doit rendre vraisemblable ce qui est allégué

L’article 1362 se conclut sur un fait considéré comme un commencement de preuve par écrit : si l’acte authentique ou sous seing privé (qui par déduction ne peut être produit) est mentionné sur un registre public, il constitue un commencement de preuve.


Le rédacteur s’intéresse ensuite à la preuve par écrit, qui sera étudiée dans mon prochain article.

mardi 1 mars 2016

La preuve, ce qui va changer (I): Premiers constats sur la Réforme

Comme annoncé dans le précédent billet de ce blog (disponible en cliquant ici), nous examinerons dans les prochains jours les aspects de la réforme initiée par l’ordonnance du 10 février 2016 en ce qui concerne la preuve.

Une approche que j’ai voulu assez exhaustive, couvrant à la fois les dispositions existantes, qu’elles soient retouchées ou non, et bien entendu les nouveautés apportées par l’ordonnance.

Le but de cette série d’articles étant de donner une vue d’ensemble des dispositions du Code Civil relatif à la preuve, lors de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 1er octobre 2016.

Avant cet examen approfondi, il est opportun de faire un premier bilan global de l’apport de l’ordonnance par rapport à la législation en vigueur au jour de la rédaction de cet article.

Un constat s’impose : cette réforme apporte un ravalement bienvenu du Code Civil en la matière.

Sur la construction, le chapitrage de la matière : le plan est plus logique, moins « fouillis » que précédemment ; ainsi, dans l'ancienne rédaction, la preuve par écrit est intégrée à la preuve testimoniale (par témoignage) ; la première était en effet essentiellement définie par opposition à la seconde.

Dans la nouvelle rédaction, c’est la preuve par écrit qui est consacrée et prend la place centrale au sein du texte réformé.

On le voit déjà, les modifications de forme viennent souligner les changements de fond.

Après le ravalement, le dépoussiérage : certaines dispositions disparaissent, car devenus désuètes.

Exit la contre lettre, la section sur la preuve testimoniale, les tailles relatives à leurs échantillons.

Au contraire, dans une optique de modernisation, l’acte électronique est réaffirmé.

Mieux, a été supprimée la disposition selon laquelle ce dernier a même valeur que l’écrit sur autre support : cela va désormais sans dire et l’acte électronique voit par ce biais son usage normalisé.


Enfin, le rédacteur a su faire preuve d’esprit de synthèse, en établissant des règles simples et accessibles au plus grand nombre ; mais énoncer cela, c’est déjà prendre de l’avance sur les prochains articles qui vont nous faire entrer au cœur du dispositif nouveau…

La Réforme du Droit de la Preuve: Le sommaire

Les prochains jours verront la mise en ligne de différents articles consacrés à la réforme issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (plus d'infos sur l'ordonnance en cliquant ici).

Afin de vous permettre d'accéder rapidement aux différents chapitres de cette série, vous trouverez ci-dessous le sommaire des articles à venir, sur lesquels il vous suffit de cliquer:

La preuve, ce qui va changer (I): Bilan général de la réforme

La preuve, ce qui va changer (II): Les principes généraux et l'admission de la preuve

La preuve ce qui va changer (III): La preuve par écrit

La preuve, ce qui va changer (IV): l'acte authentique et sous seing privé

La preuve, ce qui va changer (V): conclusion sur les écrits



jeudi 18 février 2016

Mini Révolution du Droit au 1er octobre 2016: soyez prêt !

Depuis le 10 février 2016, la face du droit est (partiellement) changée.

En effet, l'ordonnance tant attendue réformant le droit des obligations, des contrats et de la preuve est parue à quelques jours de la fin d'autorisation qu'avait donnée le Parlement au gouvernement (à lire en intégralité ici).

Un bouleversement pour les juristes, ne serait-ce que pour la nouvelle numérotation adoptée: ainsi, le fameux article 1382 du Code Civil se transforme en 1240...Il va falloir s'y faire.

Mais bien évidemment, cette ordonnance ne vient pas seulement toucher la forme, mais aussi le fond.

Ainsi dans le domaine qui nous intéresse, la prévention et le recouvrement des impayés, des dispositions fondamentales sont modifiées.

Délégation de paiement, mise en demeure, compensation, subrogation, preuves...autant d'exemples de dispositions retouchées par l'exécutif et qui demain auront un impact sur la pratique du recouvrement.

Et au-delà, c'est tout le droit des obligations et des contrats qui est modifié.

Exemple emblématique, mais réforme anticipée par de nombreux commentateurs, nous perdons la cause; certains s'en désolent; il faut reconnaître que celle-ci était tombée en désuétude et ne servez presque plus qu'aux étudiants en Droit pour corser l'ordinaire de leurs cas pratiques et commentaires d'arrêt.

Au delà de cet exemple finalement anecdotique, c'est tout le cycle de vie du contrat qui est impacté: de la naissance du contrat (tant sur la bonne foi des cocontractants que sur la volonté de contracter), au contenu de celui-ci (clauses abusives), jusqu'à son exécution.

Vous avez jusqu'au 1er octobre 2016 pour vous préparer à cette révolution; à noter que c'est également à cette date qu'entrera en vigueur la procédure de recouvrement des petites créances dont on attend toujours les décrets d'application (MAJ: Entrée en vigueur de la Procédure de recouvrement des petites créances le 1er Juin 2016).

Contactez-moi pour une formation adaptée à vos enjeux et à votre domaine d'activité: contrats, conditions générales de vente, prévention et recouvrement des impayés, je vous proposerai du sur-mesure.